Conférence Droit

Les diverses formes de pouvoirs, qu’elles soient laïques ou ecclésiastiques, sont analysées par les orateurs, et ce dans différentes régions d’Europe: la Suède, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne ou encore le Pays de Galles. À l’aide d’exemples concrets, ils présentent ce que les sources narratives (manuscrits, traités politiques, etc.) et diplomatiques (les chartes, les actes, la correspondance) nous révèlent du rapport entre théorie et pratique politique. 

Quelles sources étudier ?

«Dire que la pensée politique s’exprime dans les sources narratives, et la réalité du pouvoir dans les sources diplomatiques serait réducteur», prévient Romain Waroquier, chercheur au Département d’histoire. En effet, en lisant entre les lignes, on retrouve souvent des éléments de la pratique politique dans les sources manuscrites et narratives. De même, les chartes, documents rédigés par une autorité et ayant une validité juridique, expriment, elles aussi, des éléments idéologiques.  

Par ailleurs, «les traités théoriques avaient, à cette époque, un impact très faible sur la réalité du pouvoir. Conservés dans des bibliothèques, ils étaient peu diffusés et touchaient seulement un petit nombre d’individus. Contrairement à la lettre, ou l’acte qui avaient vocation à être récités en public et qui permettaient donc d'atteindre une plus large audience, de susciter le débat et d'influencer l’opinion», ajoute Nicolas Michel, chercheur au Département d’histoire. 

Rapport entre théorie et pratique du pouvoir

À travers leurs analyses fines des différentes sources, les deux historiens namurois constatent qu’au Moyen Âge «les gouvernants entretenaient un rapport subtil avec l’idéologie dont ils pouvaient s’imprégner et avec la réalité qu’ils devaient ménager. Le gouvernant médiéval avait des contingences, des contraintes prosaïques qui léloignaient de la théorie politique. Ces aspects sont souvent oubliés dans la recherchehistorique» regrette Romain Waroquier. La norme et la théorie ne dictaient donc pas à la lettre la ligne de conduite des autorités. Elles donnaient plutôt un cadre au sein duquel le pouvoir s’exerçait librement. D’où la nécessité d’étudier le rapport entre théorie et pratique politique pour bien comprendre cette période. 

L’émergence de l’opinion publique

L’analyse des sources laisse également entrevoir l’existence d’une opinion publique, voire l’émergence d’une sorte de théorisation de la désobéissance civile. «On perçoit souvent l’époque médiévale comme une société structurée en blocs monolithiques, tels que l’église ou le pouvoir laïc. Nos travaux montrent que la réalité est plus complexe et que l’individu, en tant que tel, a un rôle à jouer», explique Romain Waroquier. L’analyse des différentes sources permet aujourd’hui aux chercheurs de commencer à percevoir le rôle que la masse populaire, la masse des individus anonymes, pourrait avoir joué dans la conscience politique des dirigeants et la manière dont elle a pu influencer la pensée politique.

«Le pouvoir au 12esiècle était un pouvoir de consensus. C’est-à-dire que même les princes les plus puissants n’étaient pas en mesure d’imposer une décision sans qu’elle rassemble une frange importante de la sphère politique, seigneurs et ecclésiastiques, mais aussi l’opinion publique de plus en plus diversifiée», explique Romain Waroquier. Le pouvoir, à cette époque, consistait donc à guider la société et non à la dominer. 

Une société égale d’inégaux

«On a souvent tendance à voir l’histoire politique comme une longue évolution de nos sociétés démocratiques, au cours de laquelle le Moyen Âge serait moins démocratique, moins politisé, moins égalitaire que l’époque moderne. Mais pas du tout. Le Moyen Âge est en réalité une société égale d’inégaux, c’est-à-dire qu’il existe une hiérarchie, mais il y a aussi une volonté d’inclure l’ensemble de la population», souligne Nicolas Michel. 

Ce colloque organisé par l’Université Namur représente donc une belle occasion d’approfondir notre connaissance du Moyen Âge, et plus précisément de la théorie et de la pratique politique à travers divers exemples et sources. Il permet également de susciter de nouvelles questions de recherche et collaborations internationales 

Le centre PRAME de l'Institut PaTHs

Au sein de l’Institut de recherche Patrimoines, Transmissions, Héritages» (PaTHs), le centre de recherche Pratiques Médiévales de l’Écrit(PraME) réunit une vingtaine de chercheurs qui consacrent leurs travaux aux multiples facettes de l’activité d’écriture en Europe «latine» durant le Moyen Âge. 

Ce centre s’est fixé pour objectif principal de promouvoir les collaborations dans son domaine grâce à des initiatives de coordination et de décloisonnement de la recherche qui passent notamment par l’organisation de séminaires, de colloques et d’ateliers de recherche interdisciplinaire.  

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