Dans le monde naturel, de nombreuses espèces animales présentent de la fluorescence, c’est-à-dire qu’ils émettent de la lumière visible sous un éclairage ultraviolet. De façon générale, les propriétés physiques, chimiques ou biologiques de fluorescence de ces espèces sont très mal comprises. Par exemple, la fluorescence des ailes transparentes des plus de 3000 espèces de cigales n’avait jamais été rapportée dans la littérature scientifique jusqu’à cette année.

Flurorescence

Figure 1. La fluorescence se manifeste chez de nombreux organismes naturels. Ainsi, certaines espèces de méduses (a), de sauterelles (b), de mille-pattes (c) et de poissons (d) sont connues pour leur fluorescence sous lumière UV. Images reproduites de pixabay.com.  De l'article Mara et al., Revealing the Wonder of Natural Photonics by Nonlinear Optics, Biomimetics, 7(4), 2022.

Dans une nouvelle étude publiée en février 2023 dans le Journal of Luminescence, une équipe internationale de recherche menée par Sébastien Mouchet, chercheur au Département de physique et membre des Instituts NISM (Institut namurois de la Matière Structurée) et ILEE (Institute of Life, Earth and Environment) de l’UNamur, a mis en évidence les propriétés inconnues de fluorescence d’ailes transparentes de certains insectes, dont les cigales que l’on retrouve dans le sud de la France, et du sphinx gazé, un lépidoptère qui vit, entre autres, en Belgique.

Cette étude indique que l’émission de lumière par fluorescence serait plus commune dans les ailes transparentes d’insectes que ce que l’on admettait auparavant. Tout porte à croire que l’origine de cette fluorescence est la présence de résiline au sein des ailes. Cette protéine est connue pour contribuer à la flexibilité des ailes.

Contrairement à ce que l’on pensait, l’émission par fluorescence observée chez ces insectes pourrait être une conséquence fortuite de la présence de résiline dans les ailes à des fins mécaniques et ne pas jouer de rôle particulier dans la communication visuelle de l’insecte, qu’il s’agisse de parade nuptiale ou de défense territoriale.

La caractérisation optique que nous avons réalisée nous a également permis d’améliorer nos connaissances de la structure de l’aile. Les techniques auxquelles nous avons eu recours sont très peu utilisées dans le cadre d’études d’organismes naturels fluorescents. Notre recherche a ainsi démontré que des informations précieuses peuvent être obtenues grâce à ces techniques.

L’étude fondamentale de la fluorescence d’organismes vivants n’est pas uniquement cruciale du point de vue zoologique. La mise en évidence de la protéine fluorescente verte (connue comme GFP, de l’anglais Green Fluorescent Protein) au sein des tissus d’une espèce de méduse a révolutionné technologiquement le monde de la génétique et de la microscopie à fluorescence. Cette découverte a d’ailleurs été couronnée par le prix Nobel de Chimie en 2008. 

L’expertise de la plateforme technologique LOS

A l’UNamur, c’est grâce aux équipements de la plateforme technologique LOS (Laser, Optique et Spectroscopies) que ces études ont été réalisées.

La plateforme offre une expertise unique dans la caractérisation des propriétés optique et électroniques de la matière au moyen de mesures optiques linéaires et non-linéaires, réalisées notamment par des lasers dans un cadre de recherches fondamentales ou appliquées. La plateforme permet l'analyse de systèmes structurés à l’échelle nanométrique à une, deux ou trois dimensions, de films moléculaires aux interfaces ou de traces de gaz. En plus des compétences expérimentales, la plateforme développe des modèles analytiques et numériques permettant d’interpréter les réponses spectroscopiques mesurées.

L’équipe de chercheurs et chercheuses

  • Sébastien Mouchet, Louis Dellieu et Olivier Deparis (Université de Namur, Belgique)
  • Charlotte Verstraete, Dimitrije Mara et Thierry Verbiest (KU Leuven, Belgique)
  • Bojana Bokic et Branko Kolaric (Université de Belgrade, Serbie)
  • Albert Orr (Griffith University, Australie)
  • Rik Van Deun (Université de Gand, Belgique)
  • Pete Vukusic (University of Exeter, Royaume Uni)

Accéder à l'article "Revealing natural fluorescence in transparent insect wings by linear and nonlinear optical techniques" ici...

Fluorescence : applications

Cette propriété est souvent utilisée dans notre vie quotidienne. Quelques exemples :

  • Les vêtements à haute visibilité ou dans un simple but esthétique ;
  • Les marqueurs surligneurs ;
  • Des peintures « anticollision » dont on peint, par exemple, certaines parties des avions ;

La fluorescence est également utilisée dans le cas de la lumière dite « noire », à savoir celle émanant d’une source lumineuse composée essentiellement de proches ultra-violets, qui fait ressortir les blancs et les objets fluorescents afin de créer une ambiance spéciale, de vérifier qu’un billet de banque n’est pas contrefait ou de déceler certaines substances invisibles à l’œil nu.

En recherche de fuites, la fluorescence est très employée en mélangeant à l'eau des traceurs fluorescent. Cela permet de déceler tout type d'infiltration ou de passage d'eau. La spin-off TRAQUA de l’UNamur, experte en monitoring hydrologique et hydrogéologique, qui a développé le fluorimètre/turbidimètre STREAM®, en est un bel exemple.

NP&B cover

S'inspirer de la nature pour innover

Sébastien Mouchet et Oliver Deparis sont les auteurs d'un ouvrage intitulé Natural Photonics and Bioinspiration.  Publié en novembre 2021, c'est un livre sur le thème de l’optique physique et de la biologie environnementale. Sur les traces des recherches du Prof Jean-Pol Vigneron, ce livre, avant-gardiste selon l’éditeur, ouvre la porte aux applications bio-inspirées dans le monde de l’optique, de l’énergie et de l’environnement.

Lire notre article "S’inspirer de la nature pour innover"