« Les profits à court terme et la croissance économique font l’objet d’une attention prédominante dans le monde entier, tandis que les multiples valeurs de la nature sont rarement prises en compte dans les décisions politiques ».

Résolument interdisciplinaire et fondée sur un examen approfondi mené pendant 3 ans, par 82 scientifiques originaires de toutes les régions du monde, cette étude s’appuie sur plus de 13 000 références, dont des publications scientifiques et des sources d’information issues des savoirs autochtones et locaux. Elle s’inscrit également dans la continuité du Rapport d’évaluation mondiale 2019 de l’IPBES, qui présente le rôle de la croissance économique comme l’un des principaux moteurs de la destruction de la nature, responsable de la menace d’extinction pesant sur un million d’espèces végétales et animales.

Les scientifiques ont identifié une cinquantaine de méthodes et approches destinées à rendre visibles les diverses valeurs de la nature. Leur analyse montre clairement que les décisions économiques et politiques ont donné la priorité à certaines valeurs de la nature, en particulier les valeurs instrumentales basées sur le marché, telles que celles associées à la nourriture produite de manière intensive. « Bien qu'elles soient souvent privilégiées dans l'élaboration des politiques, les valeurs marchandes ne reflètent pas adéquatement la manière dont les changements dans la nature affectent la qualité de vie des personnes. En outre, l'élaboration des politiques néglige les nombreuses valeurs non marchandes associées aux contributions de la nature aux personnes, telles que la régulation du climat et l'identité culturelle », indique le rapport.

Dendoncker Nicolas

« Ainsi, un projet de développement peut générer des avantages économiques et des emplois pour lesquels les valeurs instrumentales de la nature peuvent être évaluées, mais il peut également entrainer la disparition d’espèces, associée aux valeurs intrinsèques de la nature, et la destruction de sites patrimoniaux importants pour l’identité culturelle, affectant ainsi les valeurs relationnelles de la nature. Ces valeurs intrinsèques et relationnelles sont largement exclues de la prise de décision », précise Nicolas Dendoncker professeur au Département de géographie, membre de l'Institut ILEE de l’UNamur et l’un des deux scientifiques belges participant à l’élaboration des rapports de l’IPBES.

« Orienter la prise de décision vers les multiples valeurs de la nature est un élément très important de la transformation profonde du système, laquelle est nécessaire pour lutter contre la crise mondiale de la biodiversité actuelle », conclut-il.

Le rapport présente quatre « leviers » centrés sur des valeurs qui peuvent contribuer à créer les conditions nécessaires au changement porteur de transformation indispensable pour que l’avenir soit plus durable et plus juste : Reconnaître les diverses valeurs de la nature Intégrer différentes valeurs dans le processus décisionnel Réformer les politiques et stimuler le changement institutionnel Modifier les normes et les objectifs au niveau de la société pour soutenir les valeurs alignées sur la durabilité dans tous les secteurs.

Ce nouveau rapport vient d’être validé par les 139 gouvernements commanditaires. Il sera au centre des discussions de la Cop 15 Biodiversité qui doit se tenir à Montréal en décembre prochain.

« Participer à l’élaboration de ce rapport a été une expérience très enrichissante. Pendant ces trois années de travail, nous avons eu la chance d’être confrontés à une très forte interdisciplinarité couplée à une grande interculturalité au sein de l’équipe des scientifiques », se réjouit Nicolas Dendoncker. Outre la production de ce rapport, ce travail intense va également permettre la publication, dans les prochains mois, d’une série d’articles scientifiques en lien avec la thématique de la biodiversité et de sa sauvegarde.

Souvent décrit comme le « GIEC de la biodiversité », l’IPBES est un organisme intergouvernemental indépendant comprenant 139 États membres. Mis en place par les gouvernements en 2012, il fournit aux décideurs des évaluations scientifiques objectives de l’état des connaissances sur la biodiversité de la planète, les écosystèmes et les contributions qu’ils apportent aux populations, ainsi que les outils et les méthodes permettant de protéger et d’utiliser durablement ces atouts naturels vitaux.