Une membrane lipidique, c’est quoi ?

Les membranes lipidiques sont des structures omniprésentes dans les cellules de tous les organismes unicellulaires et multicellulaires. Prenons l’exemple de la paroi d’une cellule, aussi appelée membrane plasmique, dont la fonction est de séparer l'intérieur de la cellule de l'extérieur : c’est en quelque sorte son armure. Elle est composée d’une vaste diversité d’acides gras (lipides) qui lui confèrent des propriétés toutes particulières.  Si l'on considère l'énorme variété d'espèces lipidiques disponibles, on peut commencer à saisir l'énorme complexité de ce système. 

Il avait déjà été constaté que des modifications de la composition des membranes lipidiques peuvent être indicatrices de la présence de certaines maladies, telles que le cancer, le diabète de type 2, ou encore les maladies d'Alzheimer et de Parkinson.  Dès lors, connaître la composition des membranes lipidiques de cellules malades et la comparer à celle d’une cellule saine permettrait sans aucun doute de trouver des moyens nouveaux pour diagnostiquer ces maladies.  Les études expérimentales de l'organisation des membranes cellulaires restent cependant difficiles techniquement.  Heureusement, les simulations informatiques peuvent aider à compléter les informations manquantes. Ainsi, la modélisation moléculaire s’avère être un outil crucial pour étudier la morphologie des systèmes complexes et fournir des images tridimensionnelles en temps réel de ces systèmes avec une résolution atomistique.

LUMI, un supercalculateur européen

Le supercalculateur LUMI (Large Unified Modern Infrastructure) est l’un des éléments de l’entreprise commune européenne pour le calcul à haute performance (HPC), nommée EuroHPC JU. Cette dernière coordonne la mise en commun des ressources européennes pour développer des supercalculateurs haut de gamme pour le traitement des données volumineuses ou la réalisation de calculs complexes. Plus précisément, LUMI, c’est le supercalculateur le plus rapide d’Europe et le 5e plus rapide à l’échelle mondiale. Situé en Finlande, il est géré par le consortium LUMI, dont la Belgique fait partie, aux côtés de la Finlande, la République tchèque, le Danemark, l'Estonie, l'Islande, la Norvège, la Pologne, la Suède et la Suisse.

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Ce consortium fournit un écosystème HPC de haute qualité, rentable et durable sur le plan environnemental (une alimentation basée sur l’utilisation de l’hydroélectricité alors que l’excédent est utilisé pour chauffer la ville voisine). Au cœur de l'expertise du consortium se trouve une solide tradition de collaboration en matière de formation et d'éducation au calcul intensif, d'assistance aux utilisateurs et de services de gestion des données.

Un peu de chimie quantique et théorique

L’équipe de chercheurs namurois a utilisé la superpuissance de calcul de LUMI pour repousser les limites actuelles de notre connaissance.  En effet, il leur été possible d’étudier en détails l’évolution d’une membrane plasmique réaliste possédant une composition similaire à celle d’une cellule saine. En incluant pas moins de 42 types de lipides différents couvrant une large variété de lipides, et des molécules de cholestérol, pour un total de plus de 3 millions d’atomes, ce travail représente réellement un exploit computationnel. Plus précisément, ils se sont intéressés à l’influence de la composition lipidique sur la réponse optique non-linéaire (ONL) de molécules sondes, des chromophores, insérés dans des membranes de complexité croissante. L’optique non-linéaire est une technique d’analyse très sensible, et le but de cette étude était de vérifier que l’environnement des chromophores, et donc la composition de la membrane, induisait des changements suffisamment importants dans cette réponse ONL pour être détectés.

Pour ce faire, des simulations numériques ont été utilisées. Elles combinent la dynamique moléculaire (afin de connaitre l’évolution temporelle du système) et les calculs de chimie quantique (pour prédire la réponse ONL). Ensuite, en combinant les résultats obtenus avec des outils de machine learning, il a été possible de mettre en évidence les facteurs qui influencent la réponse ONL dans cet environnement complexe, ouvrant la voie à l’étude d’autres membranes cellulaires, cette fois-ci typiques de cellules malades.

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Légende de l'image : Simulation d’une membrane plasmique idéale incluant pas moins de 42 types de lipides différents et couvrant une large variété de lipides (acide phosphatidique [PA], phosphatitylcholine [PC], phosphatitylethanolamine [PE], phosphatitylinositol [PI], phosphatitylsérine [PS], sphingomyeline [SM], et diaglycerol [DAG]), des molécules de cholestérol [CHL], ainsi que des molécules sondes [di-8-ANEPPS] ayant une réponse optique non-linéaire [ONL], pour un total de plus de 3 millions d’atomes.

Dans l'ensemble, ce travail constitue un premier pas vers la compréhension de la coopération, de la synergie et des interactions qui se produisent dans les membranes lipidiques et ouvre de nouvelles pistes pour la conception de médicaments dans le domaine de la thérapie par les lipides membranaires.

Accéder à la publication Journal of Chemical Information and Modeling: "Multimillion Atom Simulations of Di-8-ANEPPS Chromophores Embedded in a Model Plasma Membrane: Toward the Investigation of Realistic Dyed Cell Membranes"

Benoît Champagne - CV Express

Benoît Champagne
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