Cet article est tiré de la rubrique "Expert" du magazine Omalius #30 (septembre 2023)

Pratiquée par environ 4.000 personnes, cette langue visuo-gestuelle présente de nombreuses caractéristiques intrigantes et passionnantes du point de vue de son histoire, de son évolution et de son fonctionnement linguistique. Depuis le début des années 2000, au Département de langues et littératures françaises et romanes de l’UNamur, la LSFB est devenue un objet d’enseignement et de recherche. La création du LSFB-Lab a fait avancer de manière considérable la recherche linguistique sur cette langue des signes et sur la gestualité dans le langage, tout en ouvrant la voie à différentes initiatives de recherche appliquée, dans les domaines de l’enseignement, de la traduction-interprétation et de la reconnaissance automatique de vidéos.

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Légende photo : L’équipe du LSFB-Lab - Sílvia Gabarró López, Bruno Sonnemans, Sibylle Fonzé, Laurence Meurant, Alysson Lepeut, Sébastien Vandenitte, Clara Lombart, Alice Heylens, Laurence Gagnon, Nicolas Hanquet

Une première thèse, un laboratoire, un corpus informatisé

Les premiers travaux de linguistiques consacrés à la LSFB ont débuté à l’UNamur avec les recherches de Laurence Meurant, alors assistante de linguistique, aujourd’hui maitre de recherche F.R.S.-FNRS et présidente de l’Institut NaLTT. Sa thèse était consacrée au rôle du regard dans l’organisation grammaticale de la LSFB. Aurélie Sinte, actuellement directrice du Département de langues et littératures françaises et romanes, a ensuite mené son doctorat sur l’expression du temps et de l’aspect dans cette même langue signée. Les deux jeunes collègues ont alors testé les opportunités méthodologiques qu’offraient les enregistrements numériques qui se généralisaient à l’époque. Ce faisant, elles préparaient la constitution d’un ambitieux corpus linguistique apte à documenter la LSFB.

C’est autour de ce projet de corpus qu’a été créé le LSFB-Lab, rassemblant des chercheurs, des assistants de recherche, ainsi qu’un responsable vidéo. L’ensemble des données collectées – et annotées signe par signe pour pouvoir être interrogé automatiquement – représente plus de 80 heures de conversations d’une centaine de signeurs de tous âges, originaires de différentes régions de Belgique francophone et de différents profils, enregistrés par paires au LSFB-Lab. Cette « bibliothèque » de langue des signes accessible en ligne offre une documentation unique du patrimoine culturel et des usages linguistiques de la communauté des Sourds. Elle est désormais l’outil de travail quotidien des chercheurs du LSFB-Lab.

Enseignement bilingue et inclusif

Lorsque l’ASBL École et surdité a vu le jour, en 2000, et a mis sur pied au sein du Centre scolaire Sainte-Marie de Namur un cursus inédit d’enseignement ordinaire bilingue (langue des signes – français) et inclusif pour les enfants sourds et malentendants, l’UNamur a d’emblée soutenu le projet en tant que partenaire scientifique. Dès 2004, elle a organisé une formation continue pour les enseignants des classes bilingues de Sainte-Marie. Les nombreuses collaborations ont donné lieu à la création de nombreux supports (dictionnaire, grammaire descriptive, film…).

Plus fondamentalement, les synergies entre chercheurs et enseignants ont poussé le LSFB-Lab à développer la recherche comparative entre la LSFB et le français, et à créer des outils bilingues au service des enseignants, des élèves, des interprètes, traducteurs et de leurs formateurs.

Études contrastives, multimodalité et outils bilingues

Un deuxième ensemble de données est en cours de collecte au LSFB-Lab : des paires de locuteurs francophones sont enregistrés selon le même protocole que pour le Corpus LSFB. Ce corpus de français parlé multimodal (FRAPé) a récemment ouvert un axe de recherche supplémentaire au sein du laboratoire : celui de l’étude contrastive entre les productions des signeurs de la LSFB et celles des locuteurs du français, sur des données directement comparables. Ces travaux permettent de repenser le statut des gestes dans les productions linguistiques et les interactions, tant en langue signée qu’en langue vocale.

De plus, le LSFB-Lab possède un autre type de ressource bilingue : les conversations signées du Corpus LSFB ont été traduites en français écrit. Ces traductions sont à la base du dictionnaire bilingue contextuel publié en octobre 2022, grâce à la collaboration entre le LSFB-Lab et les équipes d’Anthony Cleve et de Benoît Frénay (Faculté d’Informatique, NADI) et au soutien du Fonds Baillet Latour. Cet outil inspiré des célèbres Linguee ou Reverso, est interrogeable en français et en LSFB, via une webcam : une première mondiale qui a été classée 5e parmi les 10 progrès scientifiques 2022 par l’Écho.

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Les perspectives actuelles

Le dynamisme des jeunes chercheurs apporte de nouvelles thématiques de recherche au sein du laboratoire : un post-doctorat et deux thèses récemment démarrées portent sur l’interprétation et sur la traduction entre LSFB et français. Dans le domaine de la formation, le Certificat interuniverstaire « LSFB – français » a démarré en janvier 2023, en collaboration avec l’USL-B (et en particulier, avec le Pr. Dany Etienne). Il s’agit de la première formation entièrement donnée en LSFB et pensée pour un public sourd. 

Je suis très reconnaissante envers tous les chercheurs et collaborateurs qui ont eu envie de rejoindre le LSFB-Lab ou de collaborer avec lui, qui lui ont fait profiter de leurs intérêts, de leur énergie, de leur expertise et de leur rigueur 

« J’ai débuté la recherche sur la LSFB en solitaire en 2000 et c’est maintenant toute une équipe qui fait vivre la LSFB à l’UNamur et la fait rayonner sur la scène internationale de la recherche ! Les connaissances sur la LSFB ont été augmentées de 10 thèses et de deux projets de post-doc en 10 ans : c’était inimaginable en 2000, c’était encore un rêve quand je suis devenue chercheuse qualifiée en 2011. L’UNamur soutient l’inclusion des membres du personnel sourds et la visibilité de la LSFB, notamment par le recours à l’interprétation. Pour les 10 années à venir, mon souhait serait que la recherche puisse inclure davantage de chercheurs sourds », conclut la responsable du laboratoire.

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Cet article est tiré de la rubrique "Le jour où" du magazine Omalius#30 (Septembre 2023)

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