Le décret relatif à l'enseignement supérieur inclusif définit un étudiant ou une étudiante à besoins spécifiques (EBS) comme « une personne présentant des incapacités dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation à l’enseignement supérieur sur base de l’égalité avec les autres » (article 1, §3).

Les incapacités sont multiples : maladies invalidantes (diabète, allergies, migraines…), handicaps psychiques (dépression chronique, phobies, troubles bipolaires…) ou sensoriels (troubles auditifs ou visuels), troubles de la motricité (lombalgie, arthrose, hémiplégie…). Et les troubles cognitifs comme les troubles Dys (dyslexie par exemple) ou les troubles de l’attention (trouble de l’attention avec ou sans ou hyperactivité- TDAH).

La Cellule Médico-Psychologique de l’UNamur

À l’UNamur, c’est la Cellule Médico-Psychologique (CMP) qui a la charge de l’accompagnement des EBS.  Le but ?  Atteindre l’équité c’est-à-dire s’assurer que chaque étudiant et étudiante bénéficie des aides et adaptations que ses besoins spécifiques nécessitent afin que son évaluation reflète son potentiel et ses connaissances.

Elle informe les étudiants et les étudiantes sur les démarches à réaliser pour obtenir le statut d’étudiant ou d’étudiante à besoins spécifiques. Elle analyse les besoins et les accompagne dans les choix en tenant compte des attentes ainsi que de la réalité du contexte et des exigences du programme d’études. Elle spécifie les aménagements raisonnables nécessaires pour surmonter les obstacles rencontrés, en collaboration avec chaque Faculté et les services internes ou externes concernés. Cette concertation aboutira à l’élaboration d’un plan d’accompagnement individualisé (PAI). Pour cela, un dossier peut être remis 2 fois par an. Une fois le dossier validé, le statut d’EBS est valable toute la durée des études. 

Pourtant, certains élèves hésitent à introduire une demande d’aménagement. Soit parce que la volonté d’essayer sans aménagements, comme les autres, est présente. Soit parce qu’il est difficile, en entrant dans ce nouveau monde qu’est l’université, d’anticiper les éventuelles difficultés qui seront rencontrées. Dans certains cas, ces difficultés ont pu être dépassées sans aménagements particuliers dans le secondaire mais ressurgissent dans le nouvel environnement.

C’est pourquoi la CMP met aussi en place des actions de sensibilisation et de formation à l’attention du corps enseignant mais aussi des élèves, ainsi qu’une brochure « Enseignement inclusif : mode d’emploi ».

Dyslexie – Trouble du langage écrit

Nous nous intéressons ici plus particulièrement à la dyslexie, un trouble qui touche entre 8 et 10% de la population mondiale. Les personnes dyslexiques sont longtemps passées pour des personnes paresseuses ou incapables alors qu’elles souffrent d’un dysfonctionnement, d’origine neurodéveloppementale, localisé dans une zone du cerveau et qui perturbe les mécanismes cognitifs nécessaires à la lecture. Ces personnes sont dotées d’une façon atypique de traiter l’information en quelque sorte.  
Les personnes dyslexiques sont intelligentes mais éprouvent des difficultés à apprendre dans un domaine particulier (le domaine de l’écrit et de la lecture) mais pas dans d’autres. Elles ont du mal à associer un signe à un son, surtout lorsqu’il s’agit de termes abstraits. Le dysfonctionnement dont souffrent les dyslexiques perturbe le système de traitement perceptif visuel qui permet de transformer une stimulation visuelle (mot écrit) en une représentation mentale et orthographique. Selon une étude menée auprès de personnes dyslexiques dans l’enseignement supérieur, les deux plus grandes difficultés éprouvées concernent les compétences rédactionnelles et l’apprentissage de l’anglais. 

Pas étonnant puisque même dans leur langue maternelle et malgré le bain linguistique depuis la naissance, des difficultés subsistent. Alors, mémoriser visuellement et phonologiquement deux noms pour un seul objet et la grammaire d’une autre langue, irrégulière et complexe comme l’anglais… L’anglais est d’ailleurs la langue que l’on déconseille le plus aux dyslexiques. Cependant, l’anglais est une langue importante et presque nécessaire, dans la plupart des études supérieures.

Planète LogiKDys – Une méthode innovante pour l’apprentissage de l’anglais

Le 7 décembre 2022, à l’initiative de François-Xavier Fievez, vice-recteur aux affaires sociales et étudiantes et Maître de langues, et en collaboration avec Sandrine Vieillevoye, psychologue au CMP, l’Ecole des Langues Vivantes (ELV) accueillait Christine Ouvrard, autrice de Planète LogiKDys, une méthode d’apprentissage de l’anglais adaptée aux personnes dyslexiques. Destinée aux professionnels et professionnelles de l’enseignement, tous niveaux confondus, la méthode s’appuie sur les atouts des dyslexiques, qui sont créatifs et intuitifs, dotés de grandes capacités imaginatives et de perception spatiale en 3D et d’une mémorisation visuelle accrue. Elle stimule les capacités d’apprentissage, la compréhension et la mémorisation par le biais de la concrétisation des termes abstraits grammaticaux, l’imagerie mentale et l’implication kinesthésique mais aussi la concentration de l’élève, qui a besoin d’être actif et de manipuler pour apprendre.

Une histoire logique et concrète, facile à mémoriser, avec une écriture aérée, des couleurs pour repérer les mots importants et des espaces entre les paragraphes. Des personnages facilement identifiables, représentant les différents termes, des tableaux simplifiés et colorés que l’élève va photographier visuellement et donc mémoriser. Des cartes à manipuler pour renforcer la mémorisation. La grammaire devient un jeu !

Citation

Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends

À la fin de sa présentation, Christine Ouvrard cite Benjamin Franklin : « Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends » et complète en ajoutant : « Cette méthode originale donne du sens à la grammaire et évite la confusion de l’apprenant dyslexique grâce à la concrétisation des termes grammaticaux abstraits.  La méthode est par ailleurs transposable à d’autres langues. »

Esteban Barracho, étudiant en Bloc 2 Informatique à l’UNamur est dyslexique et hyperactif. Il témoigne : « En anglais, je ne fais pas de fautes à l’oral, seulement à l’écrit.  J’ai passé le même examen de deux manières : écrit et oral. Le résultat ? À l’écrit : 2/20 et à l’oral : 18/20. Sur le conseil de mon professeur, François-Xavier Fievez, j’ai donc testé la méthode Planète LogiKDys. Au début, j’ai trouvé l’histoire un peu infantile mais finalement, cela permet de mieux retenir et de bien visualiser les personnages. Les couleurs et la mise en page générale des textes m’ont permis de lire plus aisément et plus rapidement. J’avais plus de mal avec les exercices car c’est difficile de vérifier sa réponse sans voir les réponses suivantes, donc je me suis fait aider. Et j’utilise déjà une méthode similaire aux cartes associées puisque je me sers de cartes à jouer classiques pour étudier d’autres cours. J’associe une carte à un élément à apprendre. Et ça marche très bien ! »

Un pas de plus vers l’enseignement plus inclusif

Les aménagements de programmes pour les EBS sont encore parfois considérés comme des privilèges par d’autres. Et on entend encore trop souvent dire que la place d’une personne dyslexique n’est pas à l’Université car « elle n’y arrivera jamais ». Les mentalités doivent encore évoluer.

Selon le décret, les méthodes d’évaluation doivent être équitables mais équité n’est pas égalité. Et la plupart des enseignants et enseignantes stipulent qu’il serait idéal de connaître les EBS de son groupe dès que possible et pas, comme souvent, à la veille d’une évaluation. Et tout le monde s’accorde à dire que si cette méthode innovante fonctionne pour les EBS, elle fonctionne pour tous. Sans doute une belle manière de renverser l’inclusion !