Manel Barkallah, l’informaticienne au cœur du langage de la robotique

Quel est domaine scientifique et sur quoi portent vos études/recherches ?

Je travaille dans le domaine des langages de coordination dans les systèmes sociotechniques, c’est-à-dire des systèmes qui combinent des êtres humains et des logiciels. Dans ce domaine, j’étudie les mécanismes formels de communication et de coordination utilisés par les agents (humains ou machine), dans les systèmes sociaux et technologiques.

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Je m’intéresse, également, à la façon dont les différents agents travaillent ensemble pour atteindre des objectifs communs et utilisent des concepts interdisciplinaires de la psychologie, de l’informatique, de la sociologie.

Dans ce domaine de recherche, nous essayons, mon prometteur et moi-même, de comprendre comment les systèmes sociotechniques peuvent être conçus pour améliorer la coordination et la communication entre les agents. Il s’agit par exemple des systèmes de la circulation aérienne, afin de coordonner les déplacements des avions en temps réel. Ou encore des systèmes de contrôle de la qualité dans les usines, afin de coordonner les activités de production et la qualité du produit final.

Qu’est ce qui fait toute la richesse de votre domaine ?

Les langages de coordination peuvent améliorer les processus de travail et les résultats pour différents types de systèmes sociotechniques. Cela permet aussi de renforcer la collaboration et la communication entre les acteurs, afin de renforcer la confiance et la coopération dans les systèmes sociotechniques. Et spécialement, avoir une contribution à la résolution de problèmes complexes dans ces systèmes en identifiant les défis de coordination et en développant des solutions pour les surmonter.

Pensez-vous que le fait que vous soyez une femme influence votre carrière de scientifique ?

La diversité des genres peut présenter des avantages pour les équipes scientifiques, car elle apporte des points de vue et des perspectives différents qui peuvent enrichir la recherche et la découverte scientifiques. Néanmoins, les femmes peuvent être confrontées à des obstacles systémiques tels que la sous-représentation, la discrimination fondée sur le sexe, la non-reconnaissance de la charge de travail familiale, entre autres.

Qu’est ce qui selon vous pourrait faciliter et encourager la carrière des femmes scientifiques ?

Diverses mesures sont importantes. Il y a le fait par exemple de soutenir la participation des femmes à la science dès leur plus jeune âge à travers des programmes d’enseignement des sciences. Il faut aussi offrir des opportunités de formation (du développement professionnel et leadership) et enfin encourager la diversité et l’inclusion dans la communauté scientifique.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à une femme qui hésiterait à se lancer dans le même domaine scientifique que vous ? 

Je voudrais l’encourager à se concentrer sur ses passions et ses intérêts scientifiques et à ne pas se laisser intimider par les stéréotypes de genre.

La science a besoin de personnes talentueuses et déterminées, quel que soit leur genre. Soyez fier de vos ambitions scientifiques, croyez en vous et poursuivez vos rêves 😊 !

Alice Dennis, la biologiste qui s’intéresse à l’adaptation des invertébrés

Sur quoi portent plus précisément vos recherches ?

Je suis professeur de biologie à l'Université de Namur. Mon laboratoire étudie comment les animaux sauvages (principalement les petits invertébrés comme les escargots et les insectes) évoluent pour s'adapter aux nouvelles températures. Nous intégrons plusieurs domaines de recherche, notamment la physiologie, les études de terrain et la génétique.

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Qu’est ce fait qui toute la richesse de votre domaine ?

C'est une période passionnante pour effectuer ces recherches, car il existe un grand nombre de nouveaux outils pour le séquençage des génomes. Pour la première fois, nous pouvons séquencer et comparer des génomes entiers de presque tous les organismes, et non plus seulement de quelques espèces de laboratoire bien étudiées.

Pensez-vous que le fait que vous soyez une femme influence votre carrière de scientifique ?

Je n'ai pas rencontré de problèmes directs dans ma récente carrière, mais je pense que les femmes sont fréquemment interrogées et remises en question quant à leurs compétences. C'est particulièrement vrai dans le domaine de la biologie computationnelle.

Qu’est ce qui selon vous pourrait faciliter et encourager la carrière des femmes scientifiques ?

Je pense que si tout le monde (hommes et femmes) donnait plus de détails sur les interruptions de leur carrière de chercheur, nous en profiterions tous. La chose la plus évidente est d'énumérer les congés de maternité/paternité, mais il y a beaucoup d'autres choses qui entrent dans cette catégorie.

Il existe de nombreux domaines de recherche passionnants, tout comme le mien, et de ce fait, il existe de nombreuses façons de trouver son créneau !

Julie Henry, la didacticienne qui déconstruit les stéréotypes de genre en Science

Sur quoi portent vos études/recherches ?

Je suis didacticienne en informatique, en technologie de l'information et de la communication (TIC) et en sciences. De formation, je suis master en chimiste, agrégée en chimie/biologie/physique et docteure en didactique de l’informatique.

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Je finalise actuellement une thèse de doctorat en didactique des TIC (sciences de l’éducation), menée sur mon temps personnel. Sur mon temps de travail, j’occupe le poste de cheffe de projets STEAM : mes recherches portent sur l'éducation des STEM (et avec elle, la question de l’orientation professionnelle vers les métiers STEM) et l'approche STEAM (Sciences, Technologies, Engineering, Art, Mathematics, au cœur d’un développement par projet).

Qu’est ce qui fait toute la richesse de votre domaine ?

Du fait de mon parcours atypique, je considère que je n’ai pas un seul domaine. C’est une force. Dans mon job actuel, ma recherche est non seulement interdisciplinaire (chimie, physique, TIC, informatique, art…), mais en plus je touche des publics-cible variés : enfants, adolescents, jeunes adultes, enseignants/formateurs, public fragilisé, etc. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Je ne m’ennuie jamais.

Pensez-vous que le fait que vous soyez une femme influence votre carrière de scientifique ?

J’ai malheureusement l’impression que l’influence a été négative, notamment en tant que jeune chercheuse. Mais en vrai, parce que je n’étais pas sensibilisée à la problématique et aux stéréotypes de genre, je ne l’ai pas ressenti en tant que telle. J’ai plutôt eu tendance à croire que le problème venait de ma personne, ce qui a alors joué sur ma confiance en moi et mes capacités. Avec l’âge et surtout dû à l’intérêt que je porte sur le sujet, je réagis bien plus rapidement et laisse passer moins de chose. J’ai cependant l’impression de devoir toujours être sur la défensive, en auto-protection.

Qu’est ce qui selon vous pourrait faciliter et encourager la carrière des femmes scientifiques ?

Pour que plus de femmes aient l’opportunité d’avoir une carrière en tant que scientifiques, il faudrait déjà qu’on attire plus de filles dans les filières scientifiques et qu’on fasse en sorte qu’elles y restent jusqu’à l’obtention d’un diplôme et plus si affinités. Je choisis donc une action à mener dès le plus jeune âge : déconstruire les stéréotypes de genre et les représentations erronées qu’ont les jeunes de certains métiers qui peuvent exercer une influence sur le choix d’orientation.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à une femme qui hésiterait à se lancer dans le même domaine scientifique que vous ?

Choisir une orientation de carrière, ça n’est pas qu’une question de compétences (qui sont d’ailleurs souvent auto-SOUS-estimées).

Le point de départ, c’est vous et vos envies. Si vous vous écoutez et que vous trouvez votre voie, vous serez surprise de vos capacités et de votre volonté. Et n’hésitez pas à sortir de votre zone de confort, vous gagnerez en confiance en vous !

Anne Lemaitre, la mathématicienne qui prédit la mécanique céleste

Quel est votre expertise dans votre domaine scientifique ?

Pendant plus de 43 ans, j’ai mené des recherches dans le domaine de la Mécanique Céleste ou encore de l’astronomie mathématique. Le but de cette discipline est de calculer les orbites de différents corps célestes, à moyen et long terme (des centaines de millions d’années parfois) en tenant compte des forces, des résonances, des dissipations ; leur stabilité (ou au contraire leur caractère chaotique) est fondamentale et peut être estimée par des outils très spécifiques.

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Qu’est ce qui selon vous fait toute la richesse de votre domaine ?

Plusieurs choses rendent le domaine passionnant : tout d’abord, le renouveau continuel de la connaissance (en 1979, on connaissait 4000 astéroïdes, on en dénombre plus d’un million actuellement; les exoplanètes ont été détectées en 1995 pour la première fois, et maintenant le catalogue en comporte plus de 4000), ensuite l’interdisciplinarité (j’ai travaillé avec des astronomes, des mathématiciens, physiciens, ingénieurs, géologues, numériciens ou théoriciens ou observateurs) et enfin sa complexité, qui remet en question régulièrement les acquis ou les théories (les trous noirs, la formation des planètes, les échelles de temps, la vie ailleurs, les liens philosophiques).

Pensez-vous que le fait que vous soyez une femme influence votre carrière de scientifique ?

Au début, je pense que vouloir mener de front, comme femme, une vie familiale et une carrière scientifique temps plein paraissait encore un peu utopique et ne convainquait pas tous les jurys. Mais un réel changement de mentalité est arrivé (du moins dans mon domaine) visant à encourager les femmes intéressées par ce défi. J’ai donc été de plus en plus souvent soutenue et sollicitée (je crois même privilégiée dans certains cas) pour participer à des jurys, des évaluations ou des fonctions de représentation, au FNRS ou à l’IAU par exemple, ou lors de ma nomination comme chargée de cours en 1999. Des initiatives comme lors de l’année internationale de l’astronomie en 2009, avec le thème « She is an astronomer » ont vraiment permis de nous faire connaitre et nous ont donné une vraie visibilité, nationale et internationale. Malheureusement le pourcentage de femmes (jobs permanents) en astronomie stagne autour des 22 %.

Qu’est ce qui selon vous pourrait faciliter et encourager la carrière des femmes scientifiques ?

Je citerai d’abord une action scientifique : abandonner les classements bibliométriques et se concentrer, dans les évaluations, sur la qualité du travail et des papiers. Les femmes publient moins souvent, se laissent plus facilement influencer par un reviewer négatif, se mettent moins en évidence mais passent plus de temps dans l’encadrement des jeunes chercheurs ou dans l'évaluation. Cette comptabilisation en « nombres » est systématiquement favorable aux hommes, car elle correspond davantage à leur tempérament, leur manière d’exercer leur profession. Les critères doivent évoluer.

Ensuite comme dans beaucoup de cas, la gestion de la vie familiale repose encore surtout sur les épaules des femmes, toutes les mesures d’horaire variable, de crèches sur le lieu de travail, de garderies groupées, de congés parentaux, d’échanges de prestations avec des collègues, souples et adaptables, favorisent certainement en priorité les carrières des femmes.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à une femme qui hésiterait à se lancer dans le même domaine scientifique que vous ?

Je lui conseillerais de se lancer et de faire ce qu’elle aime, du mieux qu’elle peut, mais sans trop écouter les dictats de la société.  J’en cite quelques-uns qui m’ont toujours choquée : si on n’est pas nommée à 30 ans c’est trop tard ; si on ne tient pas le rythme de 3 papiers par an, inutile de s’accrocher ; jamais de grossesse avant la thèse ; à partir de 3 enfants, il faut passer à mi-temps, etc.

Et un conseil subsidiaire : bien choisir son conjoint ou sa conjointe, dans le respect du rythme et des passions de chacun.

Katy Poncin, la biologiste qui fabrique des bactéries mutantes

Sur quoi portent plus précisément vos recherches ?

Je travaille sur les bactéries pathogènes, aussi bien in vitro que dans le contexte des infections. Mes outils de prédilection sont la biologie moléculaire – je crée des mutants bactériens 😉 - et la microscopie.  Notre organisme doit régulièrement combattre les infections.  Les bactéries elles-mêmes doivent se combattre afin de trouver des ressources, notamment de l’espace et de la nourriture. 

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Qu’est ce qui fait toute la richesse de votre domaine ?

Selon moi, la microbiologie est une des branches de la science qui a le plus de potentiel de découvertes. Il existe une telle diversité d'espèces bactériennes que la recherche dans ce domaine n'en est en réalité qu'à ses balbutiements.

Pensez-vous que le fait que vous soyez une femme influence votre carrière de scientifique ?

Historiquement, cela a toujours été très difficile de percer en tant que femme dans la recherche scientifique. Il suffit de regarder la proportion de femmes scientifiques en CDI par rapport aux hommes. De nos jours, il existe une discrimination positive, ce qui devrait changer la donne.

Qu’est ce qui selon vous pourrait faciliter et encourager la carrière des femmes scientifiques ?

Idéalement, je préfèrerais encourager la parité plutôt que booster la carrière des femmes uniquement. Les congés de parentalité/maternité devraient selon moi pouvoir être partagés beaucoup plus équitablement dans un couple.

Parlez à d'autres femmes scientifiques pour voir où vous mettez les pieds... mais ne laisser personne vous dire que vous n'êtes pas à la hauteur !

Women in science @ Unamur

Le 9 février 2023, la journée annuelle de conférences scientifiques et de vulgarisation a rassemblé plus de 150 participant.e.s autour de la thématique Femmes et Science.

Objectifs ? Partager les expériences, envisager d’éventuelles nouvelles collaborations, et promouvoir les filières scientifiques auprès des femmes en présentant des parcours inspirants.

Plus d'infos sur le site internet Women in science

Rendez-vous en 2024 !

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