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Cet article est tiré de la rubrique "Tomorrow learn" du magazine Omalius#31 (décembre 2023).

Future vétérinaire, Jenny Jarry, étudiante en master, passée par l’UNamur lors de son bachelier, et qui rêve de se spécialiser en chirurgie ophtalmologique, n’est pas devenue étudiante-chercheuse par hasard. En médecine vétérinaire, ce statut se décline dans le cadre des travaux de fin d’année. « Pour mon TFE, explique-t-elle, je voulais un sujet ancré dans la pratique clinique, avec un promoteur qui me guide, mais sans me mâcher le travail, et en me laissant la liberté de proposer des idées. » Le résultat ? Un implant orbitaire imprimé en 3D pour les chevaux qui ont subi une énucléation. « On a fait des impressions en résine biocompatible, et on les a implantées sur une quinzaine de têtes de cadavres. Il en est sorti une publication dans un journal scientifique, et deux posters lors d’un congrès. Un congrès où j’ai rencontré des personnalités avec lesquelles je n’aurais jamais eu l’occasion de communiquer en temps normal. Les opportunités, il faut les saisir ! »

Esprit critique

Son promoteur, le Professeur Jean-Michel Vandeweerd, partage son enthousiasme. « Les étudiants vétérinaires ont tout intérêt à réaliser un travail de recherche plutôt qu’un simple travail théorique », affirme-t-il. « La publication qui peut s’ensuivre est un booster pour leur CV, surtout s’ils veulent plus tard postuler pour une résidence, donc une spécialisation. Par ailleurs, je me suis beaucoup investi dans ce qu’on appelle l’evidence based medicine, et j’estime qu’il faut former dès que possible les futurs praticiens à une connaissance basée sur les preuves scientifiques. » Pas étonnant dès lors que le projet des étudiants-chercheurs, formulé au départ par les Professeurs Stéphane Lucas et Carine Michiels, ait été repris et développé par le Département vétérinaire. « Sur les quelque 80 étudiants que j’ai suivis, tous ceux qui voulaient faire des spécialisations y sont arrivés. Ma satisfaction, c’est de leur avoir donné confiance.  Et d’avoir contribué à leur inculquer l’esprit critique, dans un monde où l’information est partout. C’est ma façon de participer à l’évolution de mon métier. »

Afin d'éviter que l'enseignement ne soit complètement dissocié de la recherche, le projet des étudiants-chercheurs permet à des étudiants de consacrer une partie de leurs temps à la recherche, et ce dès leur bachelier.

Processus de découverte

Et à celle de l’université. « Si nous avons créé l’institut de recherche NARILIS, c’était pour éviter que l’enseignement ne soit complètement dissocié de la recherche », souligne la Professeure Carine Michiels, vice-rectrice à la recherche. « Les deux s’articulaient déjà dans le mémoire de master, mais nous voulions commencer plus tôt. D’où le projet des étudiants-chercheurs. »  L’idée était de permettre à des étudiants motivés de consacrer une partie de leur temps à la recherche, dès leur bachelier, en étant dispensés de certains cours à option ou travaux pratiques. « À l’époque, j’étais probablement la seule parmi les académiques à avoir vécu cette expérience, 20 ans plus tôt, quand j’étais moi-même en bac 2 - ou plutôt en deuxième candi, se souvient-elle.  J’avais entendu parler d’un professeur qui offrait cette possibilité à certains étudiants, et je m’étais portée candidate. J’ai donc découvert par moi-même combien cette formule donne une dimension différente aux études : pénétrer dans un labo, découvrir le matériel, toucher la recherche du doigt… C’est un processus de découverte fascinant, et plus tôt il est enclenché, mieux c’est. »

Apprendre à apprendre

Mais, après leur master, les étudiants-chercheurs se tournent-ils majoritairement vers la recherche ? « Non, et ce n’est pas le but », précise Stéphane Lucas, professeur au Département de physique et ancien directeur de NARILIS. « Nous voulons former les étudiants qui le désirent par d’autres moyens que les cours ex cathedra, afin de les pousser à sortir de leur zone de confort. Nous les confrontons à des sujets de recherche qu’ils ne peuvent aborder que par une démarche individuelle et proactive, avec un certain degré d’indépendance. » Une démarche parfaitement adaptée à la recherche, mais aussi aux organisations. « Il n’y a pas que l’université dans la vie, résume Stéphane Lucas. Pour moi, l’université apprend à apprendre, quoi qu’on fasse par après. Les étudiants-chercheurs sont capables d’apprendre par eux-mêmes, y compris dans des domaines qui ne leur sont pas familiers. Et cette capacité ne peut que favoriser, par la suite, leur insertion professionnelle dans des milieux autres qu’académiques. »

Win-win

Dans le Département de mathématique aussi, certains étudiants se laissent tenter par l’aventure de la recherche. « Ils ont le choix entre deux types de sujets, explique le Professeur Timoteo Carletti, directeur du département. Les premiers, plutôt limités – essayer de comprendre comment on peut adapter une formule existante à d’autres cas, par exemple – s’adressent aux étudiants qui préfèrent, dans les mathématiques, les aspects liés aux calculset aux formules ; les seconds, plus larges, portent entre autres sur la modélisation de la musique, la quantification des résultats sportifs ou la mise au point d’une équation sur la probabilité de détecter des formes de vie dans d’autres systèmes solaires… » Pour le promoteur, suivre les étudiants-chercheurs exige évidemment un investissement en temps. « Mais c’est très stimulant ! Ils sont jeunes, ils voient les choses différemment, ils n’hésitent pas à me critiquer, et je me sens challengé ! Même quand ils se rendent compte qu’ils ne vont pas dans la bonne direction, c’est utile pour moi, car ça m’apprend quelles orientations éviter à l’avenir, mais ça leur révèle aussi ce qu’est vraiment la recherche, et qu’il y a parfois des résultats négatifs. Créer un binôme étudiant-professeur, c’est une opération win-win ! »

Deux passions

Grâce au statut d’étudiant-chercheur, Antoine Petit, qui travaille avec le Professeur Carletti, a réussi à concilier ses deux passions : la musique – il est lui-même trompettiste - et les mathématiques. « Comme je n’ai pas réussi à choisir entre les deux, je fais deux bacheliers en parallèle : l’un à l’IMEP, l’Institut Royal Supérieur de Musique et de Pédagogie, et l’autre en maths, à l’UNamur. » Comme il avait envie de découvrir la recherche, il a consulté la liste des sujets proposés aux candidats étudiants-chercheurs dans le Département de Mathématique. « J’étais un peu sceptique, parce que j’imaginais mal ce que pouvait être la recherche dans les mathématiques pures. Mais, quand j’ai découvert ce sujet sur les rapports entre la musique et les mathématiques, je n’ai pas pu résister. Je viens à peine de commencer, j’ai dû me mettre à niveau. Mais je sais que ce sujet-là est fait pour moi, parce qu’il reflète ce que je suis. »

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Cet article est tiré de la rubrique "Tomorrow learn" du magazine Omalius#31 (Décembre 2023).

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