Début novembre, l’UNamur annonçait la création du premier Observatoire universitaire en médecine rurale. Une première dans le paysage médico-académique belge. La mission de ce nouvel Observatoire est de comprendre la pénurie médicale dans les zones rurales et d’identifier des solutions en collaboration avec les acteurs de terrain pour favoriser l’installation de futurs médecins généralistes dans ces zones moins attractives. Encadré par un comité de guidance multidisciplinaire composé de médecins généralistes et d’académiques dans le domaine de la pharmacie, de la psychologie et de la géographie de la santé, l’Observatoire proposera la réalisation de diverses enquêtes, impliquant les acteurs de la première ligne de soins (médecins, infirmières, pharmaciens…), mais aussi l’organisation de tables-rondes et de conférences.  

L’Observatoire s’intéressera à de nombreuses thématiques portant sur la médecine rurale et apportera des réponses à toute une série de questions : quelles sont les principales difficultés rencontrées par les médecins généralistes dans les zones rurales ? Quels sont les freins à leur installation sur ces territoires ? Comment s’organisent les visites, les déplacements, la permanence des soins ou encore de la garde en milieu rural ? Quelles sont les nouvelles pratiques et comment sont exploitées les nouvelles technologies par les médecins généralistes ?  

Le point de départ des travaux de l’Observatoire sera dans un premier temps de définir ce qu’est la médecine rurale en Belgique, et en particulier en Wallonie et à identifier les territoires ruraux auxquels l’Observatoire va s’intéresser. Et c’est au sein du Département de géographie de l’UNamur que cette première recherche sera menée.  

Définir l’espace rural

« Qu’est-ce qu’un espace rural ? », interroge Catherine Linard, experte en géographie de la santé et Directrice du Département de géographie de l’UNamur. « Il n’existe pas de définition unique d’espace rural et celui-ci est loin d’être homogène. On différencie généralement un espace rural d’un espace urbain sur base de critères morphologiques tels que la densité de population ou la surface bâtie, mais d’autres critères tels que les fonctions (agricole, résidentielle, commerciale, culturelle, etc.) peuvent également intervenir. Les réalités vécues en diverses régions de notre territoire méritent donc d’être objectivées et nuancées en fonction de leurs spécificités. Une zone rurale à proximité d’une grande ville se distingue en effet d’une zone rurale elle-même entourée d’autres zones rurales, car les distances à parcourir y sont différentes à la fois pour les médecins et les patients, et la possibilité de recourir à une alternative hospitalièreest variable », détaille Catherine Linard. Cette première étude aura donc pour but d’identifier et caractériser les zones rurales de Wallonie et ensuite d’évaluer les indicateurs les plus pertinents pour objectiver la pénurie de médecins généralistes dans ces zones.

« Nos recherches se pencheront aussi sur la notion de pénurie. Selon l’INAMI, une commune est en pénurie lorsqu’elle atteint le seuil de 1 médecin pour 1100 habitants. Ce seuil descend à 1 médecin pour 800 habitants dans les zones peu peuplées. Ce calcul se base sur un territoire géographique communal. Mais est-ce pertinent ? Ne devrait-on pas travailler à une échelle plus fine, tout en tenant compte du voisinage et de l’accessibilité ? Par ailleurs, ce rapport entre nombre de médecins et nombre de patients doit-il varier en fonction de la densité de population de la commune considérée ? Ce sont ces questions éminemment géographiques que nous aborderons dans notre étude », poursuit Catherine Linard.  

Dans un second temps, les géographes ambitionnent aussi de travailler au développement d’un indice d’attractivité médicale en zone rurale, qui intégrerait les indicateurs de pénurie et l’accès aux services tels quécoles, emplois, commerces, et qui inciteraient ainsi les médecins à s’y installer.  

La géographie au cœur des enjeux de société

L’ensemble de ce travail va pouvoir être mené sur la base de données et indicateurs existants, qui pourront notamment être visualisés sous forme de cartes (lire par ailleurs) et de la littérature scientifique. Il s’agira donc principalement d’une analyse quantitative de données spatialisées et d’une réflexion sur la pertinence des indicateurs.

« L’Observatoire pourra ensuite se baser sur nos analyses préliminaires pour réaliser des enquêtes ou entretiens auprès des professionnels de santé afin de préciser certains aspects »

Les premiers résultats devraient être dévoilés au cours de l’année 2024.  

 

Si cette recherche démontre comment la géographie peut se rendre utile pour une problématique liée à la santé publique, elle illustre aussi en quoi la géographie se retrouve régulièrement impliquée dans la compréhension et la recherche de solutions face à des enjeux sociétaux majeurs. 

Superposer les données pour mieux les faire parler 

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Divers indicateurs et outils cartographiques ont déjà été développés pour objectiver la pénurie de médecins généralistes en Wallonie. L’Agence wallonne pour une vie de qualité (AViQ), par exemple, fournit toute une série de données à ce sujet à l’échelle communale. Au sein du Département de géographie de l’UNamur, la chercheuse Florence De Longueville a récemment réalisé cette carte qui superpose l’information relative à la part des médecins de 55 ans et +, à la carte des communes en pénurie « Cela permet de faire des projections pour l’avenir. On observe que plusieurs communes qui étaient en pénurie grave en 2020, ont une part de médecins âgés supérieure à 65%. C’est également le cas d’un certain nombre de communes qui étaient en pénurie, ce qui les menace de passer au statut de pénurie sévère dans les années à venir. Enfin, un plus grand nombre de communes qui n’étaient pas en pénurie en 2020 enregistre également une part de médecins âgés supérieure à 65%, elles sont localisées partout en Région wallonne, mais on observe une concentration dans la botte du Hainaut, ce sont les plus menacées en termes de pénurie dans les années à venir », analyse la chercheuse.  

Santé publique et médecine rurale à l’UNamur

« La médecine générale est un enjeu crucial de santé publique, qu’il semble indispensable d’aborder dès le démarrage de la formation des jeunes médecins. C’est la raison pour laquelle l’UNamur a été la première université francophone à intégrer un stage en médecine générale, obligatoire pour l’ensemble des étudiants dès la troisième année de bachelier », souligne le professeur Jean-Michel Dogné, Doyen de la Faculté de médecine de l’UNamur. Parmi les problématiques en matière d’organisation de la première ligne des soins de santé en Belgique, Jean-Michel Dogné pointe une collaboration entre acteurs de la première ligne de soins, à renforcer. Si l’Observatoire en médecine rurale pourra y contribuer, l’offre de formation à l’UNamur va également en ce sens. « À l’UNamur, nous formons nos étudiants, pharmaciens, médecins, médecins généralistes, avec le soutien du Département de psychologie, à des collaborations optimales entre médecins généralistes, pharmaciens, infirmiers. Nous veillons à ce que ces collaborations se passent déjà entre eux durant les études grâce à des schémas de simulation. Un patient va consulter, de manière fictive, un étudiant en médecine générale, il va passer auprès de l’étudiant pharmacien, et l’infirmier interviendra aussi. Tous vont pouvoir comprendre la problématique dans sa globalité et vont devoir veiller à identifier comment travailler ensemble pour que le patient puisse être pris en charge au mieux », explique Jean-Michel Dogné.

 Par ailleurs, l’UNamur organisera un Master de spécialisation en médecine générale dès septembre 2024 en co-diplomation avec l’UCLouvain et en co-organisation avec l’Université du Luxembourg. A noter aussi que l’UNamur codiplôme le master en sciences infirmières avec l'Henallux, la HEPN, la HELHA et l'UCLouvain.

Les résultats des travaux de l’observatoire seront diffusés largement au travers de rapports et d'un mémorandum adressé à l’ensemble des acteurs du secteur de la première ligne de soins, y compris politiques. Ils seront intégrés à la formation dispensée au sein du nouveau Master de spécialisation en médecine générale, en vue de préparer au mieux les futurs médecins généralistes à la pratique de leur métier et favoriser leur installation en zones rurales.

Un crowdfunding pour soutenir la démarche

 Pour atteindre ses ambitions, l’Observatoire universitaire en médecine rurale est à la recherche de soutiens et de partenaires désireux de s’engager à ses côtés pour apporter des solutions à une question majeure de santé publique. Une campagne de crowdfunding est lancée auprès de partenaires et du grand public. 100 % des fonds récoltés seront utilisés pour mener des recherches sur les problématiques spécifiques qui affectent la médecine rurale et y apporter des solutions. Pour encourager ce projet, adressez votre don sur le compte de l’UNamur BE92 3500 0000 0123 en mentionnant DON + 5847850 + médecine rurale ou faites un don en ligne. Les dons sont déductibles fiscalement à partir de 40 €. Merci de votre soutien ! 

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