22 000 cas de thromboses surviennent chaque année en Europe suite à l’utilisation de contraceptifs oraux combinés. En Belgique, on en comptabilise approximativement 2 par jour ! L'un des principaux challenges pour les professionnels de la santé est donc d'identifier les femmes à risque.

Le test développé à Namur constitue un nouvel outil permettant de relever ce défi. Depuis plusieurs années, Jonathan Douxfils, CEO de la spin-off QUALIblood et Professeur au Département pharmacie de l’UNamur, travaille sur la mise au point d’un test sanguin dont l’objectif est d’évaluer le risque de thrombose chez les jeunes femmes qui prennent ou qui souhaitent prendre une pilule contraceptive mais également, chez les femmes ménopausées, qui souhaitent démarrer un traitement hormonal de substitution.

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Bien que le principe de ce test ait été initié il y a plus de 20 ans, il est rapidement tombé en désuétude suite au manque de standardisation qui menait à une variabilité inacceptable, rendant les résultats ininterprétables. Le Professeur Jonathan Douxfils et son équipe ont donc travaillé sur l’optimisation de la méthode afin de la valider et de rendre les résultats fiables pour répondre aux exigences réglementaires en termes de performances analytiques et cliniques.

Le résultat de cette recherche résulte majoritairement des travaux de Laure Morimont, effectués dans le cadre d’un doctorat en entreprise réalisé à l’aide d’un financement wallon de type Win4doc.

Un test unique pour établir l’éligibilité d’une jeune fille à la pilule contraceptive

Actuellement, plusieurs lignes directrices offrent un soutien au corps médical, pour adapter la contraception en fonction du profil de la patiente.  Cependant, ces stratégies reposent sur des données épidémiologiques et ne permettent pas une évaluation précise du risque de thromboembolie veineuse à l’échelle individuelle. Le test mis au point par les équipes de de QUALIblood et de l’UNamur, qui fournit un résultat précis, fiable et reproductible, permet d’orienter plus précisément la prescription médicale afin de délivrer la bonne contraception à la bonne patiente.

Le résultat, fournit par le test, que l’on appelle nAPCsr (de l’anglais Normalized activated protein C sensitivity ratio), se présente sous la forme d’un score allant de 0 à 10. Au plus le score est élevé, au plus le risque de thrombose est important.

En pratique pour la patiente, il s’agit d’une simple prise de sang sur prescription médicale. Actuellement, le test ne rentre pas dans les critères de remboursement par l’INAMI. Il est donc à charge de la patiente ou du laboratoire pour un prix avoisinant les 50 euros. Néanmoins, un partenariat est en cours avec un acteur majeur du secteur du diagnostic in vitro afin de rendre le test disponible sur une plateforme automatisée et permettre sa commercialisation à l’échelle européenne et puis mondiale. Cela faciliterait son utilisation et son implémentation dans la routine clinique, ce qui permettrait, in fine, de réduire le coût associé voire d’obtenir une intervention des assurance maladies.

La résistance à la protéine C activée comme marqueur de risque de thrombose

Une résistance à la protéine C activée (APC), considérée comme un dysfonctionnement au niveau de la coagulation sanguine, représente un facteur de risque indépendant de thrombose. Bien que plusieurs tests aient été développés, c’est le test de résistance à l’APC basé sur le potentiel de thrombine endogène (ETP) qui s’est montré le plus sensible pour évaluer les changements induits par les contraceptifs oraux combinés sur le système de la coagulation. « Nous sommes parvenus à démontrer les performances analytiques du test de résistance à l’APC basé sur l’ETP ainsi que son intérêt en routine clinique pour prétendre au titre de biomarqueur afin de caractériser le risque de thromboembolie veineuse chez les femmes sous contraception », se réjouit Laure Morimont. Ces résultats probants sont d’ailleurs sélectionnés régulièrement pour présentation orale à congrès internationaux destinés aux hématologues, mais également aux gynécologues.

Des collaborations en cours et avenir avec plusieurs hôpitaux et laboratoires

Le test est déjà utilisé par divers acteurs de l’industrie pharmaceutique dans le cadre du développement de nouveaux contraceptifs. En effet, ce test est un requis règlementaire de l'Agence Européenne des Médicaments dans le cadre de l'évaluation du profil thrombogène des contraceptifs oraux combinés en étude clinique.

Pour permettre son utilisation en clinique, un partenariat s’est développé avec l’hôpital du CHC MontLegia, dans la région de Liège. D’autres collaborations se dessinent avec des laboratoires de biologie clinique de la région namuroise pour que les gynécologues aient accès à cet outil d’aide à la prescription. Des discussions sont également en cours avec un important laboratoire du secteur du diagnostic in vitro afin de déployer le test à plus large échelle.

Vers d’autres applications du test

L’utilisation d’un contraceptif oral combiné n’est pas la seule situation entrainant une coagulopathie d’origine hormonale chez les femmes. Lorsqu’elles arrêtent leur contraception et tombent enceinte, leur risque thrombotique augmente davantage, car la balance hémostatique bascule vers un état prothrombotique afin de limiter les complications hémorragiques lors de l’accouchement. Dans le continuum de la vie des femmes, la ménopause survient, et les symptômes associés peuvent conduire à l’utilisation d’un traitement hormonal, associé lui aussi à un risque accru de thrombose. Toujours en rapport avec les hormones, le cancer du sein hormono-dépendant est l’un des cancers les plus répandus chez la femme et l’utilisation du tamoxifène a été identifié comme un facteur de risque supplémentaire de thrombose chez ces patientes. Dans cette perspective, il y a évidemment un intérêt à utiliser le nAPCsr pour surveiller l’état de coagulabilité de la femme, pendant ces différentes périodes de la vie. Enfin le champ d'application de ce test va au-delà des états prothrombotiques induits par les hormones et pourrait être pertinent dans d'autres pathologies.

Ces tests permettront également de faire des économies en matière de soins de santé. La prise en charge d’une thrombose coûte un peu plus de 30.000 euros par an par patiente, sans compter le risque de récidive qui peut atteindre les 30% à 5 ans. Détecter le risque de maladie thrombotique sur une large population pour ensuite tenter de l'éviter permettrait de réduire les coûts liés à la maladie thrombotique de plusieurs millions d’euros.

On le constate ici, comme souvent, les doctorats en entreprise permettent de belles collaborations et réalisations entre le monde de l’entreprise et celui des universités. La thèse de Laure Morimont, réalisée en synergie entre le Département de pharmacie de l’UNamur et la spin-off QUALIblood en est un bel exemple.

La Spin-off QUALIblood