La place de la liberté, de l’autodétermination et de l’autonomie dans l’accompagnement de la précarité 

Pour Christine Mahy, la liberté et l’autonomie des personnes en situation de précarité sont trop souvent envisagées du point de vue des acteurs sociaux. Or les uns et les autres ne suivent pas nécessairement les mêmes logiques. Pour illustrer son propos, elle s’appuie sur un témoignage extrait du documentaire « Le prix du pain » : Guy, personne en situation de précarité, y explique que les jours où il reçoit une bonne nouvelle, il trouve la force d’ouvrir son courrier ou de se rendre au CPAS. De son côté, le travailleur social pense quil faut s’adresser à lui dès qu’une mauvaise nouvelle survient. Leurs logiques sont donc très différentes.

C’est pourquoi la secrétaire générale du RWLP plaide pour donner le temps aux personnes en situation de grande précarité de déposer ce qu’elles vivent. Malheureusement, souvent, elles ne peuvent se raconter dans le temps qui leur est imparti. Le monde est très dur pour les accompagnants comme pour les accompagnés, parce que tout est cadré. Il faut être rentables, efficaces et se conformer aux schémas d’interventions. Il existe trop peu de projets où les professionnels sont disponibles pour laisser ce temps.  

L’éducation des populations précaires

Il y a une tendance à considérer qu’il faut « civiliser » les populations précaires, les éduquer quant aux bons comportements de consommation, d’alimentation ou d’économie d’énergie. 

Pour Christine Mahy, chaque fois que la société restreint l’accès aux droits fondamentaux, elle rejette la responsabilité sur les personnes qui en subissent les conséquences et propose de les éduquer.

 

Précarité - Soirée lancement

Avant d’organiser des activités d’éducation à l’alimentation pour ceux qui ont faim, la société devrait garantir le droit à l’alimentation pour tous ! Comme elle se sent coupable de devoir passer du droit à l’alimentation à l’aide alimentaire, elle crée des couches palliatives : cours de cuisine, repas pris ensemble, épiceries sociales où les bénéficiaires peuvent choisir leurs produits…

« Tout cela acte le fait que le droit à l’alimentation n’est pas garanti », dénonce Christine Mahy. Il est donc essentiel, lorsqu’on propose des réponses de terrain à caractère éducatif, de se poser les bonnes questions sur les objectifs et les avantages de ces dispositifs pour les personnes concernées.

L’accès aux droits

Le droit au logement est une nécessité absolue. Quelle que soit l’intensité de la vulnérabilité, le premier levier pour y pallier est le droit au logement. Aujourd’hui, même les solutions temporaires ne suffisent plus. Partout, il manque des places dans les logements d’urgence, les abris de nuit, etc. Il est donc indispensable de garantir un logement durable aux personnes en grande difficulté plutôt que des solutions de transit. Les pouvoirs publics prétendent que les solutions provisoires permettent aux personnes de s’en sortir et de retrouver pied. Il est nécessaire de sortir de cette logique, car, au contraire, ces personnes ont besoin de stabilité. « Il faut refuser d’être un agent du provisoire et revendiquer d’être un acteur d’accompagnement dans la durée », insiste Christine Mahy. La question du «comment» est éminemment politique. 

La suppression du statut de cohabitant

La secrétaire du RWLP invite l’auditoire à signer la pétition disponible sur le site Stop statut cohabitant. La suppression de ce statut encouragerait la solidarité sans appauvrir les gens. Cela permettrait également de trouver des solutions à divers enjeux sociétaux tels que le logement, le maintien des personnes âgées ou handicapées à domicile. Il faut arrêter de condamner la solidarité et, au contraire, l’encourager et la renforcer. 

« Cela fait 40 ans que l’État réalise des économies sur les gens qui ont les plus faibles revenus en maintenant ce statut de cohabitant ». Le coût de sa suppression est évalué à 1,5 milliard ou 2 milliards. C’est considérable, mais les effets bénéfiques en retour seront aussi énormes. Pour étayer son propos, Christine Mahy donne un exemple : si quelqu’un peut quitter une institution parce qu’il peut vivre avec un parent, cela coûte moins cher à la collectivité. Elle ajoute : « À un moment donné, si l’on veut sortir les gens de la pauvreté, il faut s’en donner les moyens ». Aujourd’hui, 100 % des cohabitants sont perdants. Alors, même si quelques-uns profiteront peut-être de la suppression de ce statut et en tireront des avantages financiers, cela restera marginal. 

La méritocratie, un levier de violence sociétale

La méritocratie consiste à croire que chacun se fait tout seul. Or, cela est impossible. Tout le monde évolue grâce à sa famille, à son entourage proche, à ses enseignants, etc. Il est complètement faux d’affirmer qu’on se fait tout seul. 

Le concept de méritocratie est souvent utilisé lorsqu’on aborde la précarité. Il est en fait un levier d’individualisme et de violence sociétale envers les personnes vulnérables qui sont perçues comme défectueuses, n’ont pas voix au chapitre et doivent accepter les conditions qui leur sont imposées 

Ce discours sur la méritocratie a contaminé la société. Cependant, quand on est une autorité politique, il est essentiel de ne pas penser en fonction de ses propres références. Et lorsqu’on travaille dans laction sociale, on ne doit pas ajouter de l’épreuve à l’épreuve. Trop souvent, on demande aux gens de répondre à des exigences pour obtenir et conserver l’aide. Cela relève d’une forme de méritocratie insidieuse. Qui est réellement en mesure d’affirmer et de démontrer «être seul capable de sa propre évolution»? 

Certificat Inter Hautes Écoles et Universités en accompagnement de la grande précarité

Dans les médias, les questions de grande pauvreté et de précarité sont régulièrement évoquées. Mais, ce dont on parle moins, ce sont des difficultés rencontrées par les professionnels chargés d’accompagner les personnes démunies. Les intervenants sont de plus en plus amenés à gérer des situations sans y avoir été suffisamment préparés ni formés. Pour répondre à ce besoin, lHénallux, en partenariat avec l’UCL, l’UNamur et la HEPN, a mis sur pied un certificat en accompagnement de la grande précarité.

  • QUOI? 10jours de formation (9 h – 17h) 
  • QUAND? À partir du 6octobre 2023  
  • QUI? Les professionnels des secteurs de la santé, de l’éducation et de l’action sociale agissant avec des publics en situation de grande précarité 
  • ? À Namur ou à Mariembourg  
  • COMBIEN? 600 formation complète ou 200€ pour le 1ermodule de 3jours. 

Le certificat en accompagnement de la grande précarité