Yves Poumay

Cette interview a été réalisée pour la rubrique "Expert" du magazine Omalius #25 de juin 2022.

Vos recherches se concentrent sur l’étude de l’épiderme et de ses pathologies, mais qu’est-ce que l’épiderme ? Quel est son rôle ?

La peau humaine sépare notre organisme aqueux de son environnement aérien grâce à trois couches qui la constituent. L’épiderme qui forme la barrière principale, nous protège de l’extérieur et empêche la fuite des liquides corporels. Il repose sur un derme conjonctif formé surtout de collagène, puis d’une couche graisseuse appelée l’hypoderme.

Quelles sont les principales pathologies de la peau ?

Hormis les cancers de la peau qui sont parmi les plus fréquents, mais heureusement souvent faciles à soigner et détectés rapidement, sauf pour les mélanomes qui concernent nos cellules pigmentaires (qui colorent notre peau), la peau est souvent le reflet d’activations du système immunitaire. Plusieurs pathologies cutanées fréquentes comme le psoriasis, la dermatite atopique ou eczéma sont en fait des maladies inflammatoires. Ces pathologies sont rarement des urgences, mais elles sont récurrentes avec des incidences élevées dans la population. Les cancers de la peau sont aussi très fréquents, mais rapidement détectés dans la plupart des cas. Les cancers des mélanocytes, qui sont responsables du bronzage suite à une exposition aux UV, sont quant à eux très problématiques. Trop souvent, leur issue est fatale et leur incidence augmente surtout avec les populations dites caucasiennes (blanches européennes d’origine) qui s’exposent au soleil.

Quels sont les traitements actuels ? Et comment réduire le risque de pathologies ?

Les maladies inflammatoires sont de mieux en mieux prises en charge avec des traitements efficaces. Pour les cancers de la peau, le dépistage régulier est la meilleure attitude à adopter, après la protection contre l’exposition solaire bien sûr.

Ces diverses pathologies sont étudiées au sein de votre laboratoire. Quelle est son expertise ?

Les cellules épidermiques se cultivent dans notre laboratoire depuis les années 1980, à l’époque du professeur Robert Leloup (dermatologue et professeur émérite qui a fondé le Département d’histologie-embryologie, NDLR). Les cultures ont été utilisées pour reconstruire des épidermes vers les années 2000, lorsque les techniques alternatives à l’expérimentation animale devenaient une nécessité. Nous avons été précurseurs dans la diffusion du savoir-faire pour ces tissus reconstruits. Notre équipe est donc spécialisée dans l’étude en culture, sur des modèles reconstruits in vitro, des phénomènes pathologiques qui affectent l’épiderme.

Et cela débouche sur d’importantes découvertes en matière de traitements dermatologiques…

En effet. Par exemple, l’évaluation des traitements de la dermatite atopique peut être réalisée sur nos modèles. Nous développons aussi des modèles d’infections de l’épiderme par des champignons appelés dermatophytes (responsables des teignes), ou par des champignons opportunistes (levures du genre Malassezia), qui devraient amener à améliorer leurs traitements.

Vos techniques et recherches sont partagées à travers le monde, grâce à de fructueuses collaborations internationales. Quelques exemples à citer ?

Notre équipe collabore avec des équipes françaises à Toulouse, à Angers, et à Lyon. Nos échanges à propos des modèles de peau reconstruite et des techniques alternatives nous ont positionnés dans un réseau européen de recherche sur la barrière épidermique. Aux USA, nous collaborons avec le département de dermatologie de la Mayo Clinc à Scottsdale en Arizona où mon année sabbatique devait mener aux études d’interactions des cellules de mélanomes avec le reste de l’épiderme. À Missoula à l’Université du Montana, nous avons une collaboration pour évaluer des inhibiteurs du métabolisme de l’acide rétinoïque (un chercheur américain a séjourné chez nous pour son doctorat en 2018), des agents antifongiques et depuis cette année d’autres molécules inhibitrices de signalisations cellulaires. Nous avons récemment aidé une équipe de Nimègue aux Pays-Bas pour éditer l’ADN de cellules épidermiques et modéliser des pathologies de barrière. Ces échanges de savoir-faire et d’idées sont des plus-values indéniables pour faire avancer la recherche.

CV express

  • Professeur de biologie cellulaire et d’histologie au sein de la Faculté de médecine.
  • Directeur, depuis 1994, du laboratoire LabCeTi composé d’une équipe d’une dizaine de personnes et intégré au sein de l’institut Narilis.
  • Doyen de la Faculté de Médecine de 2015 à 2019.
  • Directeur de la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin de 2011 à 2013.
  • Docteur honoris causa de la Medical University de Plovdiv (Bulgarie), en 2012.
  • Namurois de l’année en 2009 dans la catégorie Sciences pour le développement de modèles alternatifs à l’expérimentation animale.
  • Membre associé de l’Académie Royale de Médecine de Belgique depuis 2021.

Congrès CARD : des centaines d’experts en dermatologie réunis à l’UNamur

Entre ses missions de recherche et d’enseignement, Yves Poumay s’est attèlé aussi depuis quelques mois à organiser le Congrès Annuel de Recherche Dermatologique (CARD) de la Société de Recherche Dermatologique (SRD). Il s'est tenu à l’UNamur, les 30 juin et 1er juillet 2022. Ce congrès était l’occasion pour les chercheurs et les cliniciens en dermatologie francophone de se rencontrer et d’échanger sur leurs expertises en matière de recherches en dermatologie.

Plus d'infos sur le Congrès CARD2022 ici...

Affiche CARD 2022
Une Omalius 25
Cet article est tiré du magazine Omalius #25 de juin 2022.

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