FED-tWIN

Cet article est tiré de la rubrique "Impact" du magazine Omalius #29 de juillet 2023.

Le premier de ces projets lie depuis bientôt dix-huit mois le centre PraME et les Archives de l’État à Namur. Et Nicolas Ruffini-Ronzani, qui a été engagé pour le concrétiser, ne se cache pas d’être un chercheur heureux. « Après différents postdocs en Belgique et en France, j’avais réorienté ma carrière professionnelle pour devenir gestionnaire de la "Revue d’histoire ecclésiastique", basée à l’UCLouvain. Et puis, le projet présenté par mon ancien promoteur de thèse Jean-François Nieus, maître de recherches FNRS à l’UNamur, a été accepté et mon recrutement s’est fait dans la foulée. »

10 ans

La force des FED-tWIN ? « Le financement est accordé pour dix ans, alors que, pour la plupart des projets de recherche, il ne dépasse pas deux ou trois ans », souligne Nicolas Ruffini-Ronzani. « Pour des chercheurs comme moi, c’est la porte ouverte à des travaux plus longs et plus ambitieux ! » L’objectif du projet est de valoriser certains fonds d’archives médiévaux, conservés, ou plutôt oubliés, dans les dépôts des Archives de l’État en Belgique. « On a tendance à croire que tout ce qui concerne la période médiévale est archiconnu et bien archivé, alors que ce n’est pas du tout le cas ! Notre connaissance de cette époque ne repose en fait que sur une petite partie de la documentation. Surtout pour les 13e, 14e et 15e siècles, il reste énormément à faire ! »

Contexte

Ainsi, en exploitant le riche fonds d’archives de l’abbaye Notre-Dame du Vivier à Marche-les-Dames, il est possible d’en apprendre davantage sur cette communauté de religieuses cisterciennes, mais aussi sur ses possessions, ses bâtiments et le contexte dans lequel elle s’est développée. « Même si ces recherches ne bouleversent pas fondamentalement notre vision du Moyen Âge, elles apportent un éclairage nouveau sur des réalités mal connues. » De même, « j’espère beaucoup du gros dossier sur lequel je travaille actuellement et qu’on m’a demandé de faire passer en priorité dans le cadre du projet FED-tWIN : le chartrier de Saint-Jacques de Liège, qui est un fonds d’un peu moins de 2000 chartes*, en souffrance depuis que les Archives de l’État existent, donc depuis le 19e siècle. Alors que cette grande abbaye bénédictine a été fondée au début du 11e siècle, et que les actes de cette époque sont rares en Belgique. » 

[*Une charte est un acte écrit, généralement sur parchemin, au Moyen Âge, qui consigne une action juridique (vente, donation, etc.) et qui est habituellement doté de moyens d’authentification (liste de témoins, sceaux, etc.).]

C’est un des buts de mon contrat : me mettre au service de la communauté scientifique au sens large, des étudiants en quête d’un sujet de mémoire aux érudits locaux qui étudient l’histoire de leur village, en passant par les historiens et autres chercheurs.

Service service

Pourquoi tant de négligence ? « Sans doute par manque de personnel, ou parce qu’il y avait d’autres priorités. Ce sont les hasards de la recherche. » Une partie de son travail consiste à décrire chaque charte individuellement, exercice quelque peu fastidieux, mais incontestablement utile. « Car c’est un des buts de mon contrat : me mettre au service de la communauté scientifique au sens large, des étudiants en quête d’un sujet de mémoire aux érudits locaux qui étudient l’histoire de leur village, en passant par les historiens et autres chercheurs. Et les aider ainsi, comme c’est la règle au centre PraME, à faire entrer en résonance les évolutions dans les pratiques d’écriture avec des transformations sociales plus globales. »

Sans équivalent

Pour Xavier Hermand, professeur au Département d’histoire et promoteur du projet accepté en décembre 2022, ce deuxième financement FED-tWIN, accordé au centre PraME pour sa collaboration avec la Bibliothèque Royale de Belgique, n’a rien d’étonnant. Avec PraME, l’UNamur, qui est la seule université en Belgique, voire en Europe, à proposer dès le premier cycle un ensemble de cours spécifiquement destinés à l’étude des documents écrits du Moyen Âge, s’est dotée d’un centre sans équivalent. « Non seulement il associe des historiens du Moyen Âge et des philologues romanistes, mais il couvre toute la période médiévale et tous les types de documents écrits, avec une tendance à privilégier les plus ordinaires. Ainsi, depuis le début de ma carrière, je m’intéresse plutôt aux manuscrits de la fin du Moyen Âge, provenant du monde ecclésiastique, qui sont habituellement délaissés par la recherche, et mon collègue Jean-François Nieus, le promoteur de Nicolas Ruffini-Ronzani, travaille sur les écrits de gestion produits en milieu seigneurial, plutôt que sur les documents royaux, qui ont longtemps monopolisé l’attention des spécialistes. »

Pour bien comprendre les écrits que le Moyen Âge nous a laissés, il faut être capable de passer des archives à la bibliothèque et de la bibliothèque aux archives.

Le quoi et le comment

La Bibliothèque Royale de Belgique compte quelque 4500 manuscrits médiévaux, dont la plupart n’ont jamais été étudiés en profondeur ! « Au cours des dix ans dont nous disposons dans le cadre du programme FED-tWIN, nous avons choisi de travailler, au moins dans un premier temps, sur quelques centaines de manuscrits, mais aussi d’incunables de la fin du 15e siècle, qui proviennent de maisons religieuses situées dans le Brabant et appartenant à la congrégation de Windesheim, née dans le sillage d’un courant spirituel alors très dynamique dans nos régions, "la devotio moderna". Ces monastères ont produit énormément de manuscrits, que nous allons étudier non seulement dans leur contenu ou leur matérialité, mais aussi pour découvrir à quoi ils servaient. Car, à l’heure actuelle, les spécialistes de la culture écrite ne se demandent pas seulement ce qu’on lisait au Moyen Âge, mais comment on lisait. Et, plus largement, comment les monastères s’inscrivaient dans les dynamiques culturelles de l’époque. »  

Collaboration

Le chercheur ou la chercheuse qui mènera ce projet à bien n’est pas encore désigné. « L’appel à candidature a été lancé en juin, et j’espère que l’engagement sera concrétisé en novembre. » Et qu’une collaboration fructueuse s’instaurera entre la personne choisie et Nicolas Ruffini-Ronzani, car, « pour bien comprendre les écrits que le Moyen Âge nous a laissés, il faut être capable de passer des archives à la bibliothèque et de la bibliothèque aux archives. » Et puis, c’est le principe des FED-tWIN : à deux, c’est toujours mieux !

Comment ça marche ?

Selon Jean-Pascal Piret, point de contact unique (SPOC - « single point of contact » -) de l’UNamur avec BELSPO pour le programme FED-tWIN, le but de ces FED-tWIN – 125 en tout, attribués sur cinq appels, 56% revenant à des universités néerlandophones et 44% à des universités francophones - est de permettre des activités de recherche entre les établissements scientifiques fédéraux (ESF) et les universités des deux communautés linguistiques, en finançant des profils FED-tWIN postdoctorants. « Ces postdocs se partagent à 50/50 entre l’ESF et l’université partenaire. Et le financement se fait sur dix ans. De l’année 1 à l’année 5, le Fédéral prend entièrement en charge le financement du profil postdoc ; ensuite, de l’année 6 à l’année 10, le fédéral participe au budget pour 50% et l’université et l’établissement scientifique pour 25% chacun. Au bout des dix ans, BELSPO se retire, et la décision de poursuivre ou non la collaboration avec le chercheur est laissée au libre choix de l’ESF et de l’université. » Mais, que l’aventure se termine ou non par une pérennisation, la meilleure définition des FED-tWIN, c’est win-win.

Article rédigé pour le magazine Omalius par Marie-Françoise Dispa.

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Cet article est tiré du magazine Omalius #29 de juillet 2023.

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