Quelles sont les conséquences du harcèlement sur les victimes ?

Malheureusement trop souvent minimisés, les faits de harcèlement impactent durablement les victimes, leur estime, leur santé physique et mentale. Ameline Tomsin, étudiante et auteure du Livre «On a volé ma mort» a livré un témoignage bouleversant tout en invitant le public à garder l’espoir et à prendre soin de son entourage.  

«J’ai enduré 5années de harcèlement durant mon cursus secondaire. J’ai subi des violences verbales et physiques. Des profs et des élèves étaient mêlés à cette histoire […] Je n’ai plus aucune confiance en moi, plus rien du tout. Je vais y aller franco, je me déteste. […] Malheureusement j’ai essayé de mettre fin à ma vie plusieurs fois parce que mon corps et mon mental n’en pouvaient plus. […] À la sortie de l’hôpital, je suis revenue à l’école et je me suis fait agresser par la directrice qui m’a reproché d'avoir nui à l’image de son institution. Mes parents m’ont donc changé d’établissement. Et là, je n’ai pas compris. Les gens étaient gentils avec moi. Les professeurs étaient bienveillants. Cela me paraissait impossible. On m’a alors dit: je pense que tu as subi du harcèlement. J’étais en rage, pas contre ceux qui m’ont fait du mal, mais contre moi-même. Je me sentais débile. Vivre 5ans de harcèlement sans s'en rendre compte, c’est quand même fort. […]  Mais on m’avait fait croire que c’était normal, que je devais passer par là. Cela faisait partie de l’éducation scolaire. […] Aujourd’hui, cela fait 5ans que je me bats. Le pompier qui m’a sauvée est à la fois mon héros et mon pire ennemi. J’ai encore du mal avec le fait que oui je vis, que j’ai le droit de vivre et que ce que j’ai vécu est derrière. C’est assez douloureux.»   

Comment la loi définit-elle le harcèlement ?

Nathalie Colette Basecqz, professeur en droit pénal, a présenté les différentes bases légales du harcèlement. 3 formes sont définies par la loi. 

  • Le harcèlement moral est décrit par le Code pénal (Article442bis) comme le fait de porter consciemment et gravement atteinte à la tranquillité d’autrui. On vise ici les comportements irritants, incessants ou répétitifs. Attention qu’il peut parfois s’agir d’un seul acte dont les conséquences se prolongent dans le temps. C’est par exemple le cas d’une vidéo qui est repartagée sur les réseaux sociaux.  

  • Autre base légale en dehors du Code pénal, le harcèlement téléphonique qui est repris dans la loi du 13/6/2005 relative aux communications électroniques. Il consiste en l’utilisation d’un réseau ou d’un service de communications électroniques avec l’intention d’importuner son correspondant ou de provoquer des dommages. Concrètement, il reprend par exemple le fait de saturer la boîte mail d’autrui, d’envoyer un nombre important de messages. 

  • Enfin, le harcèlement moral ou sexuel au travail qui est défini dans le Code pénal social (loi du 4 avril 1996 sur le bien-être au travail). Le harcèlement moral est défini comme « un ensemble abusif de plusieurs conduites similaires ou différentes, externes ou internes à l'entreprise ou l'institution, qui se produisent pendant un certain temps, qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l'intégrité physique ou psychique d'un travailleur ou d'une autre personne, lors de l'exécution de son travail, de mettre en péril son emploi ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant et qui se manifestent notamment par des paroles, des intimidations, des actes, des gestes ou des écrits unilatéraux. » Ces conduites peuvent notamment être liées à l'âge, à l'état civil, à la conviction religieuse ou philosophique, à la conviction politique, à la conviction syndicale, etc. La même loi définit le harcèlement sexuel au travail comme « tout comportement non désiré verbal, non verbal ou corporel à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». 

Si le cyberharcèlement n’est pas repris explicitement dans la loi, Nathalie Colette Basecqz propose une définition de Bill Belsey : «L’utilisation des TIC pour adopter délibérément, de manière répétée et agressive, un comportement à l’égard d’un individu ou d’un groupe avec l’intention de provoquer un dommage à autrui». Il peut revêtir différentes formes comme l’envoi de messages insultants ou menaçants, la diffusion de photos ou vidéos humiliantes, l’usurpation d’identité ou l’exclusion d’un groupe en ligne. 1 jeune sur 10 serait victime de cyberharcèlement selon Child Focus. L’ampleur du phénomène peut s’expliquer par :  

  • le sentiment d’impunité à la possibilité d'agir de façon anonyme ;  

  • l’effet « cockpit » c’est-à-dire à la distance physique entre le bourreau et sa victime ;  

  • l’effet « boule de neige » des réseaux sociaux qui permettent qu’un contenu soit largement partagé. 

Les infractions pénales, c’est-à-dire les étiquettes que l’on va pouvoir coller sur les différentes formes de harcèlement, sont nombreuses : menaces, diffusion non consentie de contenus à caractère sexuel, usurpation d’identité, discrimination, sexisme, etc. Un même comportement peut donc recevoir plusieurs qualifications, c’est ce qu’on appelle le «concours d’infractions».  

Qui peut être poursuivi pour harcèlement ?

Le harceleur, mais pas seulement. Ceux qui lui apportent une aide, de façon consciente et volontaire, peuvent aussi être poursuivis. Il s’agit par exemple des personnes qui prêtent leur téléphone à l'auteur des faits, qui filment la scène ou qui encerclent la victime pendant qu’on la frappe.  

Pourquoi déposer plainte ?

Étienne Gaublomme, substitut du procureur du roi et collaborateur didactique à l’UNamur et Sophie Navez, inspectrice à la police fédérale de Namur, ont tous les deux insisté sur la nécessité de déposer plainte. Elle permet à la police et au parquet de mettre tout en œuvre pour que le harcèlement cesse. Même si vous pensez ne pas avoir suffisamment de preuves, votre plainte peut par exemple s’ajouter à celles d’autres victimes. Si plusieurs faits sont reprochés à une même personne, cela augmente les possibilités de poursuite. 

Par ailleurs, dans les cas les plus graves, les magistrats peuvent maintenant proposer à une victime de harcèlement d’acquérir un système d’alerte qui la met directement en contact avec les services de police. Ce dispositif de protection permet de géolocaliser facilement la victime et d'assurer une intervention rapide des forces de l'ordre 

Puis-je déposer plainte si une personne de mon entourage est harcelée ?

Oui! Depuis 2016, le législateur, conscient que la victime n’ose pas toujours déposer plainte, a fait en sorte que les faits de harcèlement puissent être dénoncés par l’entourage.  

Quelles preuves fournir aux enquêteurs ?

Le plaignant peut apporter différentes preuves aux enquêteurs: des messages, des photos, des images de vidéos surveillance et même des enregistrements de conversation.  

Sophie Navez, précise les éléments qui peuvent être utiles dans le cadre d’un cyberharcèlement: « l’URL exacte du site, du compte ou du profil concerné; le numéro d’identification unique du compte ou du profil; une capture d’écran de la page ou du message; la date et l’heure exacte des faits; des photos ou captures d’écran montrant les traces laissées par le harceleur; la date, l’heure et le fuseau horaire du ou des conversations que vous auriez eues avec le suspect; le contenu des messages; les données du profil du suspect; le numéro de téléphone utilisé par le suspect; si le numéro d’appel n’est pas connu: la date, l’heure, le numéro d’appel sur lequel vous avez été contacté ». 

Il est également important que la victime, après avoir déposé plainte, continue à informer les enquêteurs de nouveaux éléments. Cela prouve le caractère répétitif propre au harcèlement. 

Outre les preuves apportées par la victime, les enquêteurs ont aussi de nombreuses possibilités. Ils peuvent par exemple récolter des éléments matériels en saisissant ou en analysant des smartphones, des ordinateurs. Ils peuvent procéder à des auditions de l’auteur, de la victime, des témoins. Ils peuvent également s’appuyer sur des expertises médicales, des photos, des images de vidéosurveillance… 

Il arrive cependant que l’enquête ne permette pas de recueillir suffisamment de preuves pour poursuivre l’auteur et cela peut parfois être difficile à vivre pour la victime, reconnait Étienne Gaublomme. 

Comment le harcèlement est-il sanctionné ?

Le procureur du Roi qui est chargé de diriger l’enquête va qualifier les faits et choisir les réponses pénales à apporter. Parmi celles-ci :   

  • L’admonestation : Il s’agit d’un rappel à la loi. Dans certaines situations, un simple courrier du procureur du Roi peut suffire à mettre fin au harcèlement. Dans d’autres cas, l’auteur peut être privé de liberté quelques heures puis auditionné devant le magistrat de garde. Il peut ensuite est remis en liberté sous condition.  

  • La transaction pénale : Elle permet à l’auteur présumé de mettre fin aux poursuites en s'acquittant d'une somme d'argent. Si l’auteur ne l’accepte pas, il est renvoyé devant le tribunal correctionnel. 

  • La médiation pénale : Elle consiste en une rencontre entre le harceleur et la victime. À la suite de la médiation, l’auteur peut par exemple être contraint à effectuer des travaux d’intérêt général, des formations, un suivi médical ou psychologique, etc. Dans ce cas, l’objectif est d'agir sur la cause de la délinquance et sur l’indemnisation de la victime. Si ces mesures ne sont pas respectées, le harceleur sera cité directement devant le tribunal correctionnel. 

  • Les sanctions pénales : Les peines principales sont la privation de liberté, l’emprisonnement, la réclusion et/ou une amende. Le harcèlement peut également être sanctionné par des peines de travail ou de probation autonome. Concrètement en cas de harcèlement moral, les peines s’élèvent de 15jours à 2ans de prison et peuvent être assorties d’une amende de 50 à 300€. Ces peines peuvent être doublées. En matière de harcèlement téléphonique, les peines s’élèvent de 15jours à 2ans de prison et/ou amende de 20 à 300. Elles peuvent être alourdies en fonction des circonstances aggravantes si la victime est une personne vulnérable ou si le mobile est homophobe ou racial. 

  • Des peines accessoirespeuvent aussi s’ajouter. Par exemple : la confiscation du smartphone ou de l’ordinateur qui a servi à commettre l’infraction. 

  • L’Interdiction des droits civils et politiques  

  • Les dommages et intérêts 

Vous êtes victime de harcèlement au sein de l’UNamur ?

L’Université a mis en place une série de mesures pour lutter contre le harcèlement et accompagner les victimes.  

  • L’étudiant encourt des sanctions disciplinaires, pouvant aller jusqu’au renvoi définitif, selon ce que prévoit le Code de bonne conduite de l’étudiant de l’UNamur. 

  • Le règlement de travail, qui s’appuie sur la législation en vigueur, prévoit des sanctions pour les auteurs reconnus de faits de harcèlement ou de violence verbale ou comportementale. 

  • Le PHarE: un guichet d’accueil et daccompagnement pour les étudiants victimes ou témoins de faits de violence, dagressions ou de harcèlement vient d’être mis en place. Cet accompagnement peut être psychologique, médical ou encore administratif. Le PHarE est accessible via une adresse mail phare@unamur.be et le numéro de téléphone081/72 5757 

  • Soutien psychologique : une aide psychologique personnalisée peut aussi être apportée aux victimes (Cellule médico-psychologique cmp@unamur.be) 

Comment prévenir le harcèlement ?

Maurine Martin, étudiante en Droit, a créé avec d’autres étudiants, un site de prévention « CyberHarcel-stop », présenté sous forme de serious game. Le visiteur y est invité à se mettre dans la peau du harceleur. Cinq scénarios lui sont proposés. À la fin de son parcours, il passe devant un juge qui lui explique les conséquences de son comportement. Un quizz apporte des éléments théoriques sur le harcèlement avec un renvoi vers des sources et des numéros de contact pour se confier. Le site est préventif aussi bien pour les victimes qui ne savent pas qu’elles sont harcelées, que pour les harceleurs qui ne savent pas qu’ils harcèlent. 

Le dispositif Phare de l'UNamur

Le Fil rouge en Faculté de droit

La Ligue des droits humains